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Bonjour à tous

C’est pas forcement un “bon” jour, notre ami Bernard Pichetto (alias Victor Emmanuel sur le forum) nous a quitté samedi 22 octobre des suites d’une longue maladie.

Très affecté par son décès, je vous écris ces quelques mots bien fades comparé à ceux qu’il nous écrivait régulièrement depuis 10 ans. Je l’ai rencontré le 22 octobre 2006, ça s’invente pas… les personnes comme lui, on le sens de la “sortie” comme il est bon de croire quand nous devenons mystiques face à l’éternité.

Nous avions à notre rencontre beaucoup échangé sur un livre de référence, Géopolitique du Goût , la guerre culinaire de Christian Boudan. Truculent à souhait, je dirais farci d’anecdotes, cette ouvrage nous avait permis de nous découvrir, les “amusés” que nous étions. Puis, après Bernard m’avait nourri de sa richesse, enseigné, et pour finir converti à son polythéisme culturel. Comment lui résister !

Il était devenu pour moi comme un astre sur-brillant dans ma forêt de lumière. J’utilise cette métaphore car elle me semble appropriée … On a des ancrages dans l’existence, objets, lieux de vie , parfums et personnes… Et Bernard avait cette faculté de vous réchauffer à son contact, sa lumière était bienveillante. Il ne jugeait pas, c’était son humanerie dans le bon sens du terme comme on dit du coté de Toulouzzze.

Ces derniers temps, nous avions échangé sur la cuisine hachée mixée, sa pathologie lui imposant certaines contraintes alimentaires. J’avais hésité longuement, par humilité, avant de lui faire parvenir mon module de formation concertant ce type de cuisine. En lui soumettant l’idée, il eut cette phrase un tantinet taquine qui m’a affranchie, “Fais voir ce que propose une grande école”, le jeu pouvait débuter, comme nous l’avions si souvent fait !… sans reprendre tous ses écrits (impossible) , je vous fais juste part d’un extrait de nos échanges sur les côtelettes hachées reconstituées:

Remarque générale sur ton plat.
Dans les bouquins de cuisine de la fin du XIXème, avec la mode russe issue de la guerre de 1870 et jusqu’au début XXème avec l’arrivée des russes blancs, on trouve beaucoup de recettes d’Europe Centrale et souvent des côtelettes Pojarski qui sont constituées de viande hachée, souvent du veau, chapelure, oeuf, etc. reconstituées sous forme de côtelettes avec un os et passées à la poële. Il existait même pour les resto des presses pour mouler les côtelettes plus vite !
Historiquement, sociologiquement et médicalement, la tradition du haché est intéressante en cela qu’il nous renvoie à une période où la viande était moins courante sur les tables et la viande tendre encore plus rare, et donc réservée aux élites. Le boeuf par exemple, animal de trait, n’était consommé qu’à la retraite et donc un peu dur, le hacher était donc la solution. Mais on oublie, dans beaucoup de recettes avant le XXème siècle, de prendre en compte l’état bucco-dentaire plutôt moyen de nos aïeux et ce qu’il nous paraît normal maintenant en maison de retraite – préparer de la nourriture adaptée aux dentitions et assimilation des ‘résidents’ – était le lot commun autrefois de la majeure partie de la population passée 40 ans, voire plus jeune. Donc si l’on s’imagine l’état de la dentition naguère et que l’on relit les bouquins de cuisine du XVIIIème et XIXème, on voit certaines recettes bien différemment…
Pour terminer sur les côtelettes Pojarski, il s’agit là d’un phénomène classique de copie/adaptation d’un plat inaccessible (les côtelettes d’agneau) réservé à la haute société.

En quelques lignes, il a juste donné par ses connaissances et sa prose les clés de décryptage pour que les esprits construisent une approche positive et sociétale d’une cuisine peu plébiscitée à ce jour…

Son esprit libre me manquera éperdument.

A ces proches,

A bientôt mon ami

 

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